Sur l’échelle des catastrophes, l’échec de la Conférence de Copenhague sur le climat surpasse les évènements du 11 septembre, a déclaré le philosophe allemand Peter Sloterdijk dans son discours donné au Louisiana Museum de Copenhague: « le 21ème siècle commence avec la débâcle du 19 décembre 2009. Tout ce qui se prétend en charge opère désormais sur le mode vacant de l’Ancien Régime. »
Copenhague nous montre à voir la professionnalisation de la politique. Presque tout le monde fait preuve d’un peu de morale dans la vie privée, surtout lorsque cela ne coûte rien. Mais dans le domaine des affaires où l’aspect professionnel mène la danse, la seule chose qui compte est le profit. Le fair-play est réservé aux amateurs, dans le football professionnel une faute tactique est acceptable! Ce n’est pas le moralisme qui guide ceux qui sont aux commandes, mais le professionnalisme.
L’utopie néolibérale
Notre foi inébranlable en la capacité du capitalisme à mettre en œuvre sa propre réglementation au sein d’un marché libre -que si les produits ne sont pas bons, alors les consommateurs ne vont pas les acheter- semble une donnée moins stable qu’auparavant. Au cours de son interrogatoire après la crise du crédit, Alan Greenspan a déclaré que « ceux qui ont fait confiance au marché ont commis une grosse erreur, en supposant que l’intérêt personnel des organisations, y compris des banques, était tel qu’ils étaient parfaitement en mesure de protéger leurs propres actionnaires et leurs propres actifs. » Le manque de confiance dans le marché le choquait, puisqu’en l’espace de quarante ans, il pensait avoir reçu des preuves considérables attestant de la qualité de son travail, néanmoins sa vision du monde et son idéologie, n’ont pas fonctionné. Dans son livre, The Utopia of Free Market, Hans Achterhuis voit le néolibéralisme sous un jour utopique.
Même si le capitalisme mondial a apporté plus de richesses que jamais, le prix à payer est proportionnellement plus de pauvreté que jamais. Aujourd’hui, la société compte plus de 200.000 zones de taudis, dont les cinq plus vastes hébergent plus de 20 millions de personnes. En dépit de toutes les ressources techniques disponibles, la tendance ne semble pas aller vers l’éradication de ces atrocités.
Des axes intelligents
Le monde devient de plus en plus sale. Les augmentations d’émissions de CO2, les fragments de plastique dispersés à travers la planète, la réduction des forêts, la disparition des poissons, la désertification galopante; une vaste gamme de problèmes mondiaux peuvent être circonscrits sur le net, aujourd’hui, en l’espace de quelques secondes. Les solutions se trouvent à seulement quelques secondes d’écart, la deuxième ou troisième opinion qui propose exactement l’opposé, se rencontrent simultanément. Il est donc très difficile d’agir. La prise de conscience n’est pas la question, le problème est de trouver une direction à suivre face à la surcharge d’opinions.
Depuis le post-modernisme nous savons que la vérité n’existe pas, mais nous devons savoir quelle direction prendre. Comme l’explique Sloterdijk, continuer à agir ainsi est criminel, tout comme s’abstenir de tout est naïf, la direction intelligente à suivre se situe entre les deux.
L’écologie politique
Bruno Latour, le philosophe français, écrit que l’écologie politique ne peut pas s’insérer dans les différents créneaux de la modernité. Au contraire, elle a besoin d’être comprise en tant qu’alternative à la modernisation. Pour ce faire on doit abandonner la fausse prétention qui veut que l’écologie n’ait rien à voir avec la nature en tant que telle. Elle est entendue ici comme une nouvelle façon d’appréhender tous les objets de la vie collective humaine et non humaine. Comme il n’y a plus aujourd’hui de parti hygiéniste, il n’y aura plus de parti vert non plus, tous les partis politiques, tous les gouvernements, tous les citoyens devront tout simplement adjoindre cette nouvelle donne aux comportements et à l’organisation de leurs préoccupations quotidiennes. Le façon de le mettre en œuvre est indiquée ultérieurement dans le Plan de ralentissement du développement.
La société du risque
« L’architecture contemporaine a déjà une variété de solutions adaptées à une variété de problèmes dans ses tiroirs. Elles n’attendent plus qu’on les appelle » affirme Sloterdijk.
Et en effet, des décennies d’améliorations technologiques offrent un large éventail de solutions. Les mauvaises conditions d’hygiène du début du XIXe siècle peuvent être résolues par la lumière du jour et l’air frais des maisons. La pollution comme les pluies acides et les rivières sales sont résolues selon le Club de Rome par la technologie; les filtres dans les cheminées et la purification des plantes dans les villes ont ramené le saumon dans le Rhin. Tous ces succès techniques ont fait de la technologie un objectif, et non pas un énième outil. Aujourd’hui, nous avons les émanations de CO2 comme problème principal, provoquant une révolution des panneaux solaires. Mais cela peut-il résoudre le problème du changement climatique? Opter uniquement pour une solution technique est facile, une fuite où tout le monde prend seulement une infime part de sa responsabilité professionnelle. Mais la fuite n’est plus efficace.
Dans La Société du risque, le sociologue allemand, Ulrich Beck, , explique que l’argent n’est plus en mesure d’acheter la sécurité. Comme la pollution nucléaire ou le terrorisme, les effets des changements climatiques dépassent les frontières monétaires.
La production d’un Eco-but
Depuis le Club de Rome et ses limites de croissance, la pensée écologique est celle de l’abstention, à propos de la réduction; la réduction des déchets, la réduction de la consommation d’énergie, la réduction de la circulation, la réduction de CO2. Il est question d’un comportement emprunt de rigueur morale, qui ne l’est jamaisassez, qui va à l’encontre du développement et, comme nous l’avons prouvé au cours de ces dernières décennies, ça ne fonctionne pas!
Quelques tentatives, telles les expériences d’une terre-flottante dans les années soixante qui ont établit une société auto-suffisante à petite échelle, n’ont plus aucune validité il dans le monde globalisé.
L’autosuffisance n’est pas en adéquation avec le savoir internet mondial, comme un ancien agriculteur qui en ne fournissant de nourriture qu’à sa propre famille pour survivre ne mettrait pas pour autant le monde à distance. Dans le monde contemporain, l’agriculture consiste à produire de la nourriture pour que d’autres n’aient pas à s’en soucier, de sorte qu’ils puissent se concentrer sur d’autres activités(première règle de la vie sociale).
C’est là ce que doit être notre objectif, prendre en charge l’écologie pour que les autres n’aient pas à s’en inquiéter.
Un refuge
La solution ne réside pas dans une nouvelle utopie technique qui consisterait à repartir de zéro. La solution ne se trouve pas dans la réactivation nostalgique d’une version antérieure de la société. La solution repose dans une recherche hypermoderniste qui puisse définir quels sont les éléments historiques susceptible d’être mis en œuvre dans notre société contemporaine, pour être agencés avec les nouvelles technologies et les nouveaux comportements. Pour les refondre afin qu’ils coïncident avec notre monde globalisé contemporain. Le premier objectif hypermoderne, en raison de nos connaissances et de notre sensibilisation globalisé, serait de développer un refuge où l’on puisse vivre paisible et libéré de toute culpabilité dans la tradition d’un mode de vie européen campagnard et serein. Créer un refuge où le temps, l’espace et l’action soient synchronisés. Ceux-ci devraient fournir une qualité de vie basique. Cela ne signifie pas un traditionalisme nostalgique, cela ne signifie pas un retour aux années cinquante, mais une recherche hypermoderniste de ce qui était bon dans le passé en essayant de le réutiliser et de l’adapter à notre monde contemporain.
Les solutions sont à chercher dans la direction de l’authenticité sur une base régionale et écologique locales; le programme peut être densifié avec la vaste gamme des marchés locaux, des travailleurs du secteur informel, des forêts de CO2, de la pêche aquaponique et de la culture maraîchère, de l’énergie solaire des plantes, du recyclage de l’eau par les machines combinant espace bien-être et lavage de voiture, de la production d’eau potable couplé à l’énergie aquatique, etc., etc., et, bien sûr, la consommation du commerce équitable. La société de consommation va évoluer, ainsi que le prévoit déjà le sociologue allemand Nico Stehr, les consommateurs deviennent conscients et vont pouvoir opérer des choix. Le groupe en expansion LOHAS, (Lifestyle of Health and Sustainability), peut, à ce titre, être considéré comme un exemple.
Traduction:
Émilie Notéris est une travailleuse du texte née en 1978. Écrivaine, auteure de sciences-fictions (Cosmic trip, 2008 ; Séquoiadrome, 2011) et d’essais (Fétichisme postmoderne, 2010). Traductrice (Marshall McLuhan, Sudipta Kaviraj, Gayatri Chakravorty Spivak, Slavoj Zizek, Hakim Bey, Malcolm Le Grice), elle coordonne depuis 2014 l’ensemble des traductions dans le cadre du Festival Mode d’emploi organisé par la Villa Gillet à Lyon. Elle a participé à un ouvrage collectif consacré à la série Game of Thrones publié aux éditions des Prairies Ordinaires en 2015 et prépare actuellement un ouvrage dédié à la science-fiction et à la théorie queer.