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Florence Lipsky: La ville de demain sera-t-elle verte? Architectures, ville et réchauffement climatique

Florence Lipsky:  La ville de demain sera-t-elle verte? Architectures, ville et réchauffement climatique

La conférence mondiale sur le climat qui se déroule dans quelques semaines à Paris, est l’occasion de regarder quelques indictateurs de plus près.. Le jour où l’on vit au-dessus de nos moyens écologiques progresse un peu plus chaque année: en 1993, ce fut le 21 octobre, en 2007 le 6 octobre, et en 2015 ce fut le 20 août. Pour garder l’espoir, on peut toujours écrire que le caractère entropique du réchauffement climatique aura au moins permis d’élargir la conscience environnementale des gens!!

Pour discuter de l’avenir des villes, le rapport que l’homme entretient avec la nature me paraît être un thème majeur et plus largement, la problématique d’habiter mieux sur la planète.

A quoi ressembleront les villes de demain?

Partons de la situation actuelle qui a pris du relief avec de nouvelles fonctionnalités[1]. La troisième dimension de l’espace habité qui compte -principalement- le territoire géographique, les réseaux souterrains des infrastructures de transport, l’espace public des villes définies par la hauteur des bâtiments et l’espace aérien, a évolué du fait du développement de la robotisation, qui a franchi un cap du prototypage à la grande distribution. Désormais des drones savent poser des briques pour créer des formes architecturales non standards, la voiture électrique est sans conducteur, des algorithmes permettent de simuler le fonctionnement des villes en faisant des hypothèses de développement urbain. Ce n’est donc plus de la science fiction mais de la prospective scientifique et sociologique que d’écrire que les villes de demain seront pilotées par un ordinateur qui sera lui-même un membre décisionnaire parmi les humains.[2]

Dans ce contexte, deux positions extrêmes s’affrontent: celle du mouvement transhumaniste des extropians, qui développe la théorie de mutation de la race humaine assistée par la technologie; celle des néoluddites qui mènent le combat de l’homme contre la machine, qui se battent contre les producteurs de semences génétiquement modifiées, qui prônent le développement de l’énergie renouvelable, la décroissance, et le retour à la nature. Qu’on le veuille ou non, le rapport homme/nature relève de l’impératif besoin de cohérence face à nos choix. Nos décisions sociales et politiques auront un impact majeur sur la manière de concevoir les territoires. Ces choix sont conditionnés par la question des limites que l’on met à la relation homme/machine, par l’objectif d’en garder le contrôle, puisque les recherches avancent vers une mécanisation du corps humain.

Comment concilier développement urbain et nouveaux impératifs écologiques?

N’opposons pas les situations urbaines telles qu’elles existent aujourd’hui aux impératifs

écologiques, bien au contraire. Le territoire que nous occupons est notre laboratoire du futur. La ville est un palimpseste[3], la ville se sédimente, s’efface et se renouvelle.

Les débuts du XXIe siècle ont été marqués, en chine et dans le monde arabe même si les situations ne sont pas comparables, par la production de villes nouvelles consommatrices en énergie, que l’on a vu émerger du sol en quelques mois. Ces images de villes futures souvent dégoulinantes de végétations, ont fait le tour du monde via les réseaux, elles ne sont en rien des modèles, bien au contraire, elles associent l’idée de progrès au gigantisme, la densité bâtie étant justifiée par l’augmentation rapide de la population. Progresser en terme de développement urbain dans nos contrées, implique aux architectes et urbanistes, de se mettre en rupture avec les pratiques actuelles, de faire le deuil d’un urbanisme moderne qui domine encore la conception du sol, des villes, et des métropoles; d’assumer la pensée urbaine complexe[4], qui compose « ordre et désordre ». Refonder la pensée urbaine dans le sens d’une plus grande frugalité, c’est être capable de sortir du traditionnel zoning qui perdure encore, des « éco-quartiers » qui ne sont que le fruit de contradictions entre anciennes pratiques et actions de bonne conscience, pour concevoir des éco-systèmes et mettre en application la notion de recyclage.

Quelle est l’échelle du territoire qui convient pour vivre mieux ?

Les villes de demain dépendent de la taille de nos lieux de vie et des ressources pour les bâtir. Nous devrions être plus inspirés par le principe économique des grandes entités qui se scindent en petites unités pour mieux fonctionner car quelque soit notre point de départ, la finalité est une société à la mesure de l’homme[5]. Si l’on règle la focale de l’œil à l’échelle du micro territoire et des différents types de cellules familiales, la notion de milieu[6] de vie apparaît et elle fonde une vision de la conception urbaine. A partir de la notion de milieu de vie, le territoire est appréhendé comme matière vivante dans laquelle s’enchevêtre nature et architecture. Le milieu est un prolongement de l’abri, une notion élargie de l’espace de vie minimal. Nous sommes capable de constituer des milieux de vie qui évitent la dispersion et la mobilité inutile pour privilégier la ville intense à la ville dense, pour privilégier l’unité et le confort de vie.

La place de la nature dans la conception des territoires

L’imaginaire des hommes se reconstruit aujourd’hui autour du souhait de cohérence et d’harmonie avec l’environnement. Dans ces nouveaux territoires à inventer, la nature revient au centre des questionnements individuels autant que sociétaux. Si l’on considère l’homme comme « membre actif d’une nature à laquelle il peut faire du bien s’il se conduit de manière avisée et en fait bon usage » 7]; alors les récentes recherches scientifiques nous guident, autant que la philosophie, elles explicitent les bienfaits de la nature[8] sur les conditions physiques et mentales de l’homme, et les recherches sur le biomimetisme[9] sont aussi des arguments pour convaincre et faire évoluer nos pratiques. Nous ne manquons pas d’informations pour progresser, nous manquons de démarche intégrée!

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[1] Antoine Picon, Smart cities. Théorie et critique d’un idéal auto-réalisateur, Paris, édition B2, 2013.

[2] Cette situation est déjà une réalité dans une grande banque privée de Shanghai.

[3] André Corboz, Le territoire comme Palimpseste et autre essais, les éditions de l’imprimeur, Paris, 2001.

[4] Edgar Morin Introduction à la pensée complexe, edition seuil, Paris, 2005.

[5] E.F.Schumacher, Small is beautiful, editions seuil, points, [1973], 1978.

[6] Jacques Lévy, Michel Lussault, dicionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, belin, Paris, 2013

[7] Catherine et Raphael Larrère, Du bon usage de la nature, pour une philosophie de l’environnement, éditions Flammarion, collection Champs, essais, paris, 1997.

[8] Gregory N. Bratman, J.Paul Hamilton, Kevin S.Hahn, Gretchen C.Daily, Jales J.Gross, Nature experience reduces rumination and subgenual prefontal cortex activation, in PNAS, July 2015.

[9] Janine Benuys, Biomimicry: innovation inspired by nature, Perennial, Harpers Collins publishers, 1997